L’arrivée des humains sur l’archipel des Galápagos : pirates et colons

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Les Galápagos sont surtout connues pour leur fantastique biodiversité. De ce fait, l’histoire humaine de l’archipel est souvent relayée au second plan. Cependant, à l’instar des îles célèbres de la littérature du XIXème, cet archipel a suscité de nombreux fantasmes et vécu des épisodes incroyables ! Pirates, colons, prisonniers, hippies et soldats s’y sont succédé, laissant des mémoires très romanesques…

Avant la Conquista

Pour ce qui est des origines, il est difficile de dater l’arrivée de la vie humaine sur l’archipel. Des archéologues y ont retrouvé des céramiques datant d’avant la Conquête espagnole. Mais en l’absence de tombes, de jarres ou de constructions anciennes, il semblerait qu’il n’y ait pas eu de lieux de vie humains à l’époque.

Les Galápagos, découvertes par hasard par un évêque

En 1535, Thomas de Berlanga arrive aux Galápagos alors qu’il naviguait vers le Pérou. Ce religieux dominicain, alors évêque de Panama, se rendait au Pérou pour arbitrer une dispute entre le fameux colon sanguinaire Francisco Pizarro et ses subordonnés, pour le compte du roi d’Espagne. Les forts courants marins auraient alors entraîné son embarcation vers l’archipel des Galápagos, que son expédition nomma ainsi après avoir observé une forte ressemblance entre les carapaces des tortues géantes qu’ils croisèrent et un type de selle à cheval espagnol nommé « galapago ».

Un refuge pour les pirates

Les Galápagos commencèrent à apparaître sur les cartes géographiques autour de 1570, sous la plume d’Abraham Ortelius et de Mercator. Mais ceux qui développeront réellement une cartographie approfondie de l’archipel ne sont autres que…des pirates! Nombreux étaient en effet les pirates anglais qui utilisaient les Galápagos comme refuge, au cours de leurs expéditions de pillage des galions espagnols, lesquels sillonnaient les flots chargés d’or et d’argent du continent latino-américain.Ils utilisaient aussi l’archipel pour se ravitailler en viande de tortue, celles-ci pouvant survivre longtemps sans eau ni nourriture, et constituant de ce fait de parfaites réserves de viande sur pattes, qu’ils stockaient sur leurs bateaux. Par conséquent, la première carte de navigation de l’archipel fût dessinée par William Ambrose Cowley en 1684. Il donna aux îles les noms de ses amis pirates, ainsi que ceux de nobles anglais qui soutenaient les corsaires.Les plus célèbres boucaniers des Galápagos furent les anglais Francis Drake et Richard Hawkins, ainsi que le hollandais Jacob L’Hermite Clerk. Ceux-ci étaient employés par les couronnes européennes, notamment anglaises, françaises et espagnoles, pour déstabiliser et réduire l’influence des autres puissances en lice dans la course à la colonisation et au pillage des ressources américaines.Sur l’île de Floreana, vous pourrez visiter un surprenant vestige de cette époque. En effet, s’y trouve un bureau de poste très particulier : posé par les pirates et les chasseurs de baleines du XVIIIème siècle, un tonneau de bois recueillait les correspondances de ces derniers, et les bateaux qui passaient par là emportaient les lettres qu’ils pouvaient acheminer. Selon certains, la tradition continue de nos jours ! Alors pour les curieux, il est toujours possible de tenter un envoi de carte postale à l’ancienne !

Les premières tentatives de colonisation

Par la suite, les premiers colons à habiter l’archipel seront des anglais, qui s’installeront au cours du XVIIe siècle. Attirés par la faune et la flore surprenantes des Galápagos, ils sont également nombreux à y venir dans le but de tirer profit de la graisse de cachalot.L’irlandais Patrick Watkins est le premier colon dont le nom est resté dans l’histoire. On sait peu de sa vie avant d’arriver sur l’archipel, excepté qu’il fût abandonné sur l’île Floreana en 1807. Il vécut ensuite à l’état sauvage pendant deux ans, cultivant des légumes sur un petit terrain vallonné. Il est connu pour avoir réussi à survivre en capturant des marins qu’il faisait travailler à son compte, et pour avoir des années durant troqué des légumes contre du rhum avec les bateaux de passage. Selon la légende, il serait parvenu à se maintenir ivre durant la majorité du temps qu’il passa sur Floreana.Parmi les visiteurs célèbres au XIXème siècle, il faut également mentionner Herman Melville, auteur de Moby Dick, qui fera une évocation poétique des Galápagos dans son recueil Contes de la Véranda (1856).

Annexion de l’archipel par l’Équateur et pénitenciers flottants

Le XIXème siècle voit aussi la naissance de la « Société Colonisatrice de l’Archipel des Galápagos », et en 1832, l’Équateur annexe l’archipel, le nommant à l’époque « Archipel de l’Équateur ». Son premier gouverneur, le général José de Villamil, envoie des prisonniers sur l’île de Floreana afin d’établir des premières colonies de peuplement. Ceux-ci étaient en réalité des soldats rebelles qui avaient été faits prisonniers suite à un coup d’État manqué. Ils sont ensuite rejoints par des artisans et des agriculteurs.Le premier propriétaire de terres aux Galápagos, Manuel Cobos, arrive en 1866 à San Cristobal. Il fonde une colonie qu’il appelle « Le Progrès » et commence à cultiver la canne à sucre et le café. Grâce au riche sous-sol volcanique de l’île, ses plantations sont florissantes, et le gouvernement équatorien commence à obliger des prisonniers à aller travailler la terre de « l’Empire Cobos ». Connu pour être très rude avec ses travailleurs, celui-ci fût assassiné par des travailleurs rebelles en 1904. Aujourd’hui encore, San Cristobal a un quartier appelé « Le Progrès ».Comme de nombreuses îles isolées de par le monde, les Galápagos serviront aussi de prison en bonne et due forme. Ainsi, un pénitencier est installé à Isabela à la fin du XIXème siècle, et plusieurs autres lieux de l’archipel serviront le même but. Après une révolte en 1958, la prison d’Isabela ferme ses portes l’année suivante.

Des colons européens excentriques aux Galápagos

Au XXe siècle, attirés par les flatteuses descriptions des journaux de l’époque sur les eaux abondantes en poissons des Galápagos, plusieurs milliers de norvégiens viendront également dans l’idée de produire des conserves de poisson. Cependant, n’étant pas habitués à cet environnement rude, nombre d’entre eux seraient morts sur place dès la première année. Le reste se serait converti à l’agriculture pour survivre.Dans le même temps, les Galápagos voient aussi débarquer des explorateurs occidentaux, que l’on pourrait presque qualifier de précurseurs du mouvement hippie. En provenance d’Europe et des États-Unis, ces amateurs du « retour à la nature » ne feront pas plus long feu que les précédents arrivants.

L’intrigante affaire de la Baronne Eloise von Wagner

Dans les années 1930, un curieux personnage arrive sur Floreana: Eloise von Wagner, une autrichienne qui s’autoproclama Baronne, et vécut plusieurs années sur l’île avec ses deux amants. Elle entreprenait alors de construire un grand hôtel, qui devait s’appeler l’Hacienda Paradiso.Une sombre et mystérieuse histoire entre ces personnages et d’autres habitants de l’île, allemands, se solda par trois morts et deux disparitions.Leur histoire fût narrée par le film documentaire « L’affaire Galapagos : Satán vint à l’Eden », réalisé par le couple californien Dayna Goldfine et Dan Geller. En 1934, le cinéaste Emery Johnson avait également relaté cette histoire dans un court film muet de 4 minutes, utilisant des images réelles filmées par Johnson et son équipe.

Deuxième guerre mondiale: Baltra, base militaire américaine

Baltra est connue pour avoir été occupée par les forces militaires américaines de 1942 à 1947. En effet, suite à Pearl Harbor, les États-Unis souhaitaient protéger le canal de Panama. L'île permettait ainsi de patrouiller dans la zone orientale du Pacifique et aux abords de Panama.Aujourd’hui encore, on peut observer les ruines des bâtiments nord-américains et la piste d’aviation désaffectée de l’époque. Après la guerre, ces installations construites par l’armée américaine furent transmises au gouvernement équatorien et l’île est de nos jours une base militaire équatorienne.

Au XXème siècle, les premières colonies « pérennes »

C’est seulement dans les années 1930 que s’établiront des lieux de vie humains durables sur l’archipel.A la fin des années 50, l’Institut équatorien de réforme agraire et de colonisation organise des répartitions de terres pour les colons équatoriens volontaires. Ainsi, des paysans venus surtout des provinces andines colonisent les zones agricoles de Santa Cruz, San Cristobal et Isabela.Aujourd’hui, l’archipel compte 25.000 habitants, et sa population est en expansion, malgré les restrictions posées par le gouvernement en vertu des impératifs de conservation de l’écosystème des Galápagos.