Les masques en Équateur
L’Équateur est marqué par les fêtes populaires où masques et costumes colorés racontent des histoires et l’histoire syncrétique de l’Équateur. Beaucoup de ces fêtes traditionnelles ont pour origine la fête des Saints Innocents célébrée en Europe puis importée par les Espagnols.
Les civilisations précolombiennes
En parallèle, les civilisations pré-incaïques dans les Andes et sur la côte pacifique ont laissé des traces de leur cosmovision. Les masques retrouvés dans des fouilles archéologiques sont souvent liés à des rites funéraires.Il y a près de 6000 ans, des chasseurs peuplaient la région. Les archéologues ont découvert qu’ils portaient des masques pour attraper l’âme des animaux qu’ils voulaient capturer.Les Tolitas, Jama Coaque et Bahia utilisaient beaucoup ces masques pour matérialiser la mort et les ancêtres. Ils étaient élaborés en céramique, or, argent ou mullu (nom donné au coquillage spondylus). En mettant le masque sur le visage du défunt, celui-ci était alors accompagné dans son voyage funéraire et protégé des mauvais esprits. Les masques funéraires étaient élaborés en céramique et avec des pierres présentes sur leurs lieux d’habitation.En Amazonie, les masques funéraires sont encore utilisés de nos jours.Les Incas utilisaient, quant à eux, les masques pour des manifestations religieuses ou guerrières.Les masques représentent des animaux mythologiques et sacrés rendant ainsi hommage à travers des rituels aux jaguars, singes, ours, renards ou oiseaux.
Les manifestations coloniales et actuelles
Lors de manifestations populaires, le masque convertit les hommes qui le portent en êtres surnaturels. Le masque permet la libération des désirs réprimés. La careta ou museau permet en effet d’occulter la personnalité et peut donc réaliser ce qui est normalement interdit. Les êtres se désinhibent. Ces caretas sont plus souvent présents pendant les fêtes de fin d’année, à Quito notamment.
Sierra masques traditionnels. En général, les masques populaires sont faits en bois, tissu, argile, fer et matériaux synthétiques.Les masques illustrent le syncrétisme entre les traditions indigènes et espagnoles.Le calendrier des fêtes est lié à la liturgie catholique, mais coïncide parfois avec des fêtes d’origine indigène.Petit tour d’horizon des fêtes marquantes en Équateur où le masque est très représenté.
La diablada de Pillaro : expression populaire de l’Équateur syncrétique
Pillaro, village situé près de la ville d’Ambato est aux portes des fameuses montagnes Llanganates. La fête des diabladas de Pillaro a lieu entre le 1
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et le 6 janvier de chaque année.Des origines syncrétiques Il existe plusieurs hypothèses concernant l’origine de la diablada qui remonterait à l’époque coloniale. Elle marquerait une forme de rébellion indigène contre les mauvais traitements physiques, psychologiques et économiques infligés par les Espagnols. Les indigènes auraient commencé à se déguiser en diables pour exprimer leur opposition à l’Église catholique.Certains pensent que l’origine se trouve dans une querelle entre les villageois de Pillaro et ceux de Tunguipamba. Ces derniers, courtisant de manière insistante les demoiselles de Pillaro, auraient attiré les foudres des pillareños qui les auraient alors menacés en arborant des masques de diables.
Sierra, Diablada de Pillaro, diable. Une autre hypothèse suggère que, dans les années 1940, les villageois auraient repris la figure du diable présente dans la fête des Saints Innocents du village Legion, célébrée fin décembre.D’autres suggèrent que les habitants de l’Alto bolivien, déplacés par les Incas, se soient installés près de Pillaro ramenant avec eux la tradition de leurs danses du diable.Comme dans de nombreux évènements en Amérique latine, la diablada est, sans nul doute, née du syncrétisme des cultures indigènes et espagnole.
Une fête populaire aux multiples visages
Chaque quartier du village se prépare des mois à l’avance. Les masques sont élaborés à partir de blocs de terre sur lesquels plusieurs couches de papier mâché sont superposées. Ils ajoutent ensuite des dents ou des cornes de chèvres, moutons ou taureaux. Les plus grands mesurent près d’un mètre cinquante. Les costumes sont très colorés mais le rouge et le noir dominent.
Sierra, Diablada de Pillaro, masque. La banda rythme le défilé de chaque quartier, au son de musiques typiques de la Sierra équatorienne telles que les san juanitos, saltashpas et pasacalles. Les cortèges doivent faire deux fois le tour de la place centrale pour ensuite être élu par la population. Le cabecilla est chargé de l’organisation de son groupe alors que les guarichas portent un vêtement blanc et un masque rosé, dansent et donnent à boire aux passants.Les capariches sont en tête du cortège et nettoient les rues et les pieds des gens. Les lineas représentent la haute société de l’époque. Enfin, les diables dansent autour des lineas et crient achachay signifiant qu’ils ont froid hors de l’Enfer et que l’orchestre doit reprendre.
Sierra Diablada de Pillaro, diable. La diablada de Pillaro, expression d’une histoire multiculturelle et pluricentenaire est l’un des évènements populaires et touristiques à ne pas manquer dans la région d’Ambato.
Sierra, masques de la Diablada de Pillaro.
Les fêtes populaires à Quito
À Quito la tradition des masques est très présente à plusieurs moments de l’année.Le clown est la figure centrale du carnaval de février, fête suivant la liturgie catholique donc.Il est fait en papier mâché avec un chapeau rattaché à la tête. Il représente la joie. Le clown porte toujours sur lui un chorizo rempli de talc pour agacer les passants amers !On le retrouve d’ailleurs dans toutes les fêtes de la ville durant l’année.Le masque de diable est présent lors du carnaval. On le voit aussi aux fêtes de Quito qui se déroulent au mois de décembre. Le masque de diable fait ici référence à la légende de Cantuña. L’ouvrier aurait en effet déjoué le diable lors de la construction de l’église de San Francisco dans le centre-ville.On retrouve aussi la figure de la bruja ou huaco qui lave des mauvaises énergies et purifie l’environnement.Vient ensuite celle d_’El niño_ ou l’enfant représentantt l’innocence, l’humour et la vie.Dans l’ancien quartier de Guápulo, les fêtes de septembre en l’honneur de la Vierge de Guadeloupe revêtent aussi des masques tout à fait particuliers.On retrouve notamment la chuchumeca, vieille femme aigrie.Il y a aussi la carishina qui représente la femme qui ne prend pas soin d’elle et qui n’est pas bonne à marier.On retrouve aussi la figure de la huaricha qui représente la fille de mauvaise vie.Le clown est encore une fois figure centrale des festivités et est souvent accompagné du gorille.
Sierra, Quito,fiestas Guapulo, clown. Enfin, la figure du curandero ou aruchico est aussi présente. Elle représente en effet les personnes qui ont la connaissance des plantes médicinales. On les retrouve d’ailleurs encore aujourd’hui dans les marchés et dans les villages hors des sentiers battus.Toutes ces figures se retrouvent aussi dans d’autres fêtes locales.Enfin, l’année se clôture avec l’élaboration de poupées vêtues de haillons et de papier journal : el año viejo ou l’an passé.
Sierra Quito año viejo. Ensuite, les monigotes sont des figures peintes à l’effigie d’un personnage que l’on veut caricaturer. Les fêtes de fin d’année sont souvent un moment de critique et de satyre politique.
Sierra-Quito-monigotes. Quelques artisans dans de minuscules boutiques du centre-ville montrent leur travail de transmission de cette richesse culturelle de génération en génération.Les masques du loup ou du perroquet sont d’ailleurs des illustrations de la trépidante vie commerçante du centre-ville historique de Quito.Les commerçants avaient pour habitude d’avoir une queue de renard dans la poche qu’ils touchaient à chaque fois qu’un client rentrait, afin de faire venir l’argent.Le perroquet représente, quant à lui, le marchand ambulant qui lisait l’avenir sur les mains à chaque coin de rue. Bref, c’est un beau parleur !La culture andine est marquée par les rassemblements humoristiques. Dans les parcs, de nombreux humoristes tentent encore aujourd’hui de faire rire le peuple équatorien au quotidien.
Sierra Quito.
L’Inti Raymi et le diablo huma
La fête de l’Inti Raymi correspond à la fête du Soleil dans le calendrier andin. La fête coïncide avec le solstice du soleil autour du 21 juin et la fête de la Saint Jean dans le calendrier catholique.Les fêtes les plus représentatives se déroulent près d’Otavalo, au nord de Quito.De nombreux rassemblements sont organisés et notamment des purifications dans les cascades.L’une des figures emblématiques de l’Inti Raymi est le diable huma.Sa particularité : une tête avec deux faces en tissu. Ces deux faces représentent les deux facettes de l’homme : le bien et le mal. Elle arbore douze pics qui représentent les douze mois de l’année.Le diable huma effectue une danse ancrée dans la terre. C’est une danse masculine liée à la récolte. En effet, chaque évènement astronomique correspond à un moment liturgique dans la cosmovision andine (ensemencement, culture, jeune pousse et récolte).
La Mama Negra
Chaque année, en septembre et en novembre, à Latacunga sur la route vers les régions sud de la Sierra ou de l’Amazonie, les locaux fêtent la Mama Negra.La fête remonte aux temps coloniaux, représentant, entre autres, Saint Gabriel, le prince maure, porte-drapeau de la fête.On retrouve aussi les figures indigènes des guacos et des champuseros. Ces derniers portent son carrosse.La Mama negra est toujours escortée par le capitaine qui se charge de tout. Suivent alors les engastadores et les anges de l’étoile.Mama Negra porte une poupée qui se prénomme Baltasara.La Mama Negra est aussi une célébration de la Vierge de la Merced qui les sauva d’une violente éruption du Cotopaxi en 1742.Elle a pris la forme que l’on connaît actuellement au milieu du XXème siècle lorsque Jorge Montalvo, figure riche et importante de la ville, se grima en noir et se proclama être la Mama negra.Sur le masque de la Mama Negra, on observe souvent une dent dorée. Celle-ci serait la représentation d’une des richesses de l’Équateur : l’or.Pour certains, la Mama negra est aussi la représentation de la femme indigène : la chola présente sur le marché de El Salto, figure en opposition aux blancs et aux colons.Mama Negra est donc l’expression du syncrétisme religieux et culturel d’Équateur. En 2005, elle fut déclarée Patrimoine immatériel de l’Équateur. La fête célèbre finalement la mère spirituelle de chacun d’entre nous.
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